CommentrĂ©sumer Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce ? Quels sont les thĂšmes clĂ©s de cette Ɠuvre ? C'est ce que je te propose de dĂ©couvrir dans cette an marrede la dictature sanitaire; airbag spark 2 problĂšme; thenie per djalin; dĂ©montage structure mĂ©tallique; julie bertin benoĂźt paire; prendre rendez vous toilettage jardiland bonneuil juste la L impossibilitĂ© de dire aux autres justifie le recours par Jean-Luc Lagarce aux monologues oĂč l’on ne peut pas ĂȘtre justement interrompu. Il permet aussi d’accĂ©der Ă  une forme de vĂ©ritĂ©. repĂšre : JL Lagarce: analyse Dans l’article prĂ©cĂ©dent, nous nous sommes intĂ©ressĂ©s Ă  la crise du langage tout en rappelant la problĂ©matique choisie : en quoi ce drame est-il placĂ© sous JeanLuc LAGARCE, Juste la fin du monde (1990). Parcours : Crise personnelle, crise familiale EXTRAIT 1. PremiĂšre partie, scĂšne 2. ANTOINE. – Cela va ĂȘtre de ma faute. Une si bonne journĂ©e. LA MÈRE. – Elle parlait de Louis‚ Catherine‚ tu parlais de Louis‚ le gamin. Laisse-le‚ tu sais comment il est. CATHERINE. – Oui. Pardon lasolubilitĂ© du sel dans l'eau; service porcelaine limoges; comment changer de carte bancaire sur uber eats. dermatologue hopital bayonne; ŰȘÙŰłÙŠŰ± Ű±Ű€ÙŠŰ© Ű·ÙÙ„ ÙŠŰšŰȘŰłÙ… في Ű§Ù„Ù…Ù†Ű§Ù… للŰčŰČۚۧۥ; juste la fin du monde antoine analyse Vay Tiền TráșŁ GĂłp 24 ThĂĄng. Commentaire linĂ©aire Partie 1 scĂšne 1 de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce Introduction Dans Le Pays Lointain, la derniĂšre piĂšce que Jean-Luc Lagarce Ă©crit avant sa mort, on retrouve le personnage de Louis, cette fois entourĂ© par des figures du passĂ©, comme l'ami de longue date
 LONGUE DATE. — Revenir aprĂšs tant d'annĂ©es, retrouver ceux-lĂ  qui firent ta vie, qui furent ta vie et espĂ©rer reprendre la conversation lĂ  oĂč tu l'avais abandonnĂ©e — oĂč est-ce que nous en Ă©tions, dĂ©jĂ  — ce ne sera guĂšre possible. Tu le sais. Et comme le dit ce personnage, comment Louis pourrait-il reprendre une conversation normale avec les siens, aprĂšs une si longue absence ? Or, c'est prĂ©cisĂ©ment lĂ  que commence notre piĂšce, Juste la fin du monde, et c'est tout l'enjeu de notre passage. Cette scĂšne d'exposition est d’abord un mĂ©lange de prĂ©sentations et de retrouvailles, notamment parce que Louis n'a jamais rencontrĂ© Catherine, sa belle-sƓur. Mais ce sont aussi des prĂ©sentations pour le public, qui devine dans ces conventions, des liens distendus par le poids de l'absence et des non-dits. Dans ces retrouvailles, tout est sensible, sujet Ă  interprĂ©tation, les gestes sont des messages, et inversement, les mots peuvent blesser. Louis pourra-t-il annoncer ce qui l'amĂšne ? Des indices semblent dire qu'il est probablement dĂ©jĂ  trop tard... Comment cette scĂšne d'exposition nous montre-t-elle que les liens entre les personnages sont peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  irrĂ©mĂ©diablement affectĂ©s par le poids de l'absence ? Je vais annoncer les mouvements au fur et Ă  mesure de l'analyse, et citer le texte trĂšs clairement, pour que vous puissiez bien suivre. Pour retrouver tous mes documents et toutes mes vidĂ©os sur cette Ɠuvre, rendez-vous sur mon site www . mediaclasse . fr Premier mouvement v. 1 Ă  17 Le temps des prĂ©sentations Ce premier mouvement, on pourrait l'appeler le temps des prĂ©sentations » parce qu'on entre dans la piĂšce, non pas in medias res au milieu de l'action mais logiquement par des prĂ©sentations qui nous informent sur ces personnages qui se rencontrent ou qui se retrouvent, comme un nouveau dĂ©part SUZANNE. — C’est Catherine. Elle est Catherine. Catherine, c’est Louis. VoilĂ  Louis. Catherine. Et pourtant l'importance que prennent ces prĂ©sentations rĂ©vĂšle bien dĂ©jĂ  le poids du passĂ© Catherine reprĂ©sente l'Ă©lĂ©ment nouveau dans la famille
 Va-t-elle modifier les Ă©quilibres ? On peut en douter quand on voit le chiasme la structure en miroir qui reprĂ©sente plutĂŽt une boucle ou un piĂšge, c'est mauvais signe
 Catherine », le nom propre, sera aussi le dernier mot de la premiĂšre partie, comme si tout l'enjeu de la premiĂšre moitiĂ© de la piĂšce, c'Ă©tait justement d'Ă©liminer cet espoir qu'une nouvelle personne puisse modifier les Ă©quilibres du passĂ©. CATHERINE. — Moi, je ne compte pas et je ne rapporterai rien, je suis ainsi [...] ce n’est pas mon rĂŽle. Mais pour l'instant, tous les espoirs sont permis, ce qui explique l'excitation de Suzanne ses vers sont trĂšs courts, ils reviennent sans cesse Ă  la ligne. Chez Lagarce, les vers libres remplacent avantageusement les didascalies
 Symboliquement, c'est l'excitation des retrouvailles, et donc, le poids de l'absence passĂ©e, qui dĂ©coupe ces vers et guide le ton de Suzanne, aussi sĂ»rement qu'un metteur en scĂšne. Antoine commente d'ailleurs tout de suite l'agitation de sa petite sƓur ANTOINE. — Suzanne, s’il te plaĂźt, tu le laisses avancer, laisse- le avancer. CATHERINE. — Elle est contente. ANTOINE. — On dirait un Ă©pagneul. On comprend que Louis ne peut pas avancer vers Catherine parce qu'il est bloquĂ© par Suzanne qui se trouve entre les deux. Symboliquement, il est bloquĂ© par le passĂ©, il ne peut pas avancer, c'est-Ă -dire, aller vers une rĂ©solution de l'intrigue. Souvent dans le théùtre de l'absurde, on retrouve ce dĂ©tournement du schĂ©ma narratif est-ce qu'on est au dĂ©but, au moment oĂč l'intrigue se noue, ou bien est-ce qu'on est dĂ©jĂ  aprĂšs la fin ? L'expression d'Antoine est amusante et rĂ©vĂ©latrice On dirait un Ă©pagneul ». L'Ă©pagneul, c'est un chien de chasse est-ce qu'il saute autour d'une proie qu'il a trouvĂ©e, ou bien, est-ce qu'il fait la fĂȘte Ă  son maĂźtre ? Cela rĂ©vĂšle bien l'ambivalence de Louis. Et indirectement pour nous, le public, c'est aussi rĂ©vĂ©lateur du personnage d'Antoine, qui compare sa sƓur Ă  un petit chien il n'est pas trĂšs aimable, il n'hĂ©site pas Ă  utiliser l'impĂ©ratif. On devine que contrairement aux autres, il ne se plie pas si facilement aux conventions de politesse. C'est alors la mĂšre qui prend la parole, mais de maniĂšre paradoxale, Ă©coutez LA MÈRE. — Ne me dis pas ça, ce que je viens d’entendre, c’est vrai, j’oubliais, ne me dites pas ça, ils ne se connaissent pas. Louis, tu ne connais pas Catherine ? Tu ne dis pas ça, vous ne vous connaissez pas, jamais rencontrĂ©s, jamais ? ANTOINE. — Comment veux-tu ? Tu le sais trĂšs bien. LOUIS. — Je suis trĂšs content. CATHERINE. — Oui, moi aussi, bien sĂ»r, moi aussi. Catherine. Quand on sait ce que Louis veut annoncer, cette intervention Ne me dis pas ça » avec l'impĂ©ratif et la nĂ©gation, semble dĂ©jĂ  annoncer l'Ă©chec final. Dans une tragĂ©die, on dirait que c'est un effet d'ironie tragique, une allusion au destin que les personnages eux-mĂȘmes ignorent... La rĂ©plique de la mĂšre est d'autant plus Ă©trange qu'elle ne rĂ©pond pas du tout Ă  Antoine ça, ce que je viens d'entendre » renvoie en fait Ă  un sous-entendu qui n'est formulĂ© qu'aprĂšs ils ne se connaissent pas ». C'est une cataphore le pronom renvoie Ă  un Ă©lĂ©ment qui ne vient que plus tard
 On est au plus proche du non-dit, le reproche adressĂ© Ă  celui qui est parti. La forme interrogative aussi donne du poids Ă  cette rĂ©plique Louis, tu ne connais pas Catherine ? Tu ne dis pas ça, vous ne vous connaissez pas, jamais rencontrĂ©s, jamais ? » c'est une question rhĂ©torique, dont la rĂ©ponse est implicite non, ils ne se connaissent pas. Elle n'est pas prononcĂ©e, mais elle rĂ©sonne dans l'esprit de tout le monde. Ce reproche cachĂ© est d'ailleurs toujours prĂ©sent dans la rĂ©plique d'Antoine, mais sous la forme d'un pronom Tu le sais trĂšs bien » qu'on pourrait restituer comme ça tu sais trĂšs bien que Louis a Ă©tĂ© absent pendant toutes ces annĂ©es ». Il insiste d'ailleurs sur ce non-dit avec l'adverbe intensif trĂšs ». DerniĂšre chose frappante dans ce passage tout le monde intervient, Suzanne, Catherine, Antoine, la MĂšre. Mais Louis ne prend la parole qu'en dernier, avec une rĂ©plique courte, trĂšs conventionnelle LOUIS. — Je suis trĂšs content. CATHERINE. — Oui, moi aussi, bien sĂ»r, moi aussi. mouvement v. 18 Ă  31 Le sens cachĂ© des convenances Ce mouvement, on pourrait l'appeler le sens cachĂ© des convenances » parce que Suzanne commente le cĂ©rĂ©monial qui se dĂ©roule sous nos yeux
Un peu comme une spectatrice qui serait montĂ©e sur scĂšne pour jouer les metteuse en scĂšne et corriger les actions des personnages. SUZANNE. — Tu lui serres la main ? LOUIS. — Louis. Suzanne l’a dit, elle vient de le dire. SUZANNE. — Tu lui serres la main, il lui serre la main. Tu ne vas tout de mĂȘme pas lui serrer la main ? Ils ne vont pas se serrer la main, on dirait des Ă©trangers. Il ne change pas, je le voyais tout Ă  fait ainsi, tu ne changes pas, il ne change pas, comme ça que je l’imagine, il ne change pas, Louis, et avec elle, Catherine, elle, tu te trouveras, vous vous trouverez sans problĂšme, elle est la mĂȘme, vous allez vous trouver. Ne lui serre pas la main, embrasse-la. Catherine. C'est lĂ  qu'on voit Ă  quel point les actes ont une valeur de message. Tu lui serres la main 
 il lui serre la main 
 ils ne vont pas se serrer la main 
 ne lui serre pas la main »  le verbe serrer la main » est ainsi rĂ©pĂ©tĂ© 5 fois. C’est si important aux yeux de Suzanne, parce que, par ce geste conventionnel, Louis confirme ce que dit la mĂšre il leur est devenu plus Ă©tranger mĂȘme que Catherine qui fait maintenant partie de la famille. Avec la question rhĂ©torique, les nĂ©gations, l'impĂ©ratif, Suzanne reprend et amplifie les Ă©lĂ©ments de discours de sa mĂšre cette surprise trĂšs théùtrale, pratiquement surjouĂ©e par deux personnages rĂ©vĂšle bien que quelque chose d'anormal se trame sous la simple conversation. C'est d'ailleurs un procĂ©dĂ© courant chez MoliĂšre, notamment dans les scĂšnes d'exposition la surprise permet de dĂ©noncer un comportement excessif. Et si c'Ă©tait ici le retour du Misanthrope ? qui s'Ă©tait jadis isolĂ© du monde ? Si on en revient Ă  Louis, il se prĂ©sente de maniĂšre trĂšs conventionnelle. Avec le prĂ©nom isolĂ© sur une seule ligne, il ne rĂ©vĂšle rien de lui-mĂȘme, il ne rĂ©agit pas au discours de sa mĂšre, il se contente de rĂ©pĂ©ter comme un Ă©cho ce que vient de dire sa sƓur. LOUIS. — Louis. Suzanne l’a dit, elle vient de le dire. Louis », c'est en plus un homophone avec le sens de l'ouĂŻe ils se prononcent pareil. C'est certainement rĂ©vĂ©lateur peut-ĂȘtre que ce personnage est fait, non pas pour parler, mais pour Ă©couter. Il porterait dans son prĂ©nom la fatalitĂ© de son silence. La distance de Louis avec les autres membres de la famille est palpable, notamment dans l'utilisation des pronoms le il » laisse place au tu » qui redevient aussitĂŽt un il ». Il ne change pas, je le voyais tout Ă  fait ainsi, tu ne changes pas, il ne change pas, comme ça que je l’imagine, il ne change pas, Louis, C’est la fameuse figure de l’épanorthose, trĂšs prĂ©sente chez Lagarce les personnages reformulent sans cesse leurs propos. On dirait mĂȘme que dans la derniĂšre phrase, Louis est devenu lui » il ne change pas, lui » comme une troisiĂšme personne incarnĂ©e, distante, Ă  laquelle on ne s'adresse pas directement. Les temps employĂ©s vont dans le mĂȘme sens d'abord l'imparfait, pour des habitudes du passĂ© je le voyais ainsi » L'absence s'est inscrite dans la durĂ©e
 Au contraire, le verbe imaginer » au prĂ©sent d'Ă©nonciation comme ça que je l'imagine » semble dire que, au moment oĂč elle parle, il est absent, ou du moins, inconnaissable. Et enfin, peut-ĂȘtre le plus cruel de tous, le prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale pour une action vraie en tout temps qui prĂ©dit le silence final il ne change pas, Louis ». Reste Catherine, mais dĂ©jĂ  un indice nous laisse un doute et avec elle, Catherine, elle, tu te trouveras, vous vous trouverez sans problĂšme, elle est la mĂȘme, vous allez vous trouver. Elle est la mĂȘme » est-ce que ça ne veut pas dire qu'elle a les mĂȘmes difficultĂ©s Ă  communiquer que Louis ? On devine dĂ©jĂ  qu'elle n'est pas la mieux placĂ©e pour rĂ©tablir les liens qui ont Ă©tĂ© rompus dans le passĂ©. TroisiĂšme mouvement v. 32 Ă  43 Des liens irrĂ©parables ? Ce troisiĂšme mouvement, on pourrait l'appeler des liens irrĂ©parables » parce que tout vient confirmer la distance qui sĂ©pare chacun des personnages. Antoine le dit tout de suite Suzanne, ils se voient pour la premiĂšre fois » ce qui dĂ©clenche des rĂ©actions en chaĂźne, Ă©coutez ANTOINE. — Suzanne, ils se voient pour la premiĂšre fois ! LOUIS. — Je vous embrasse, elle a raison, pardon, je suis trĂšs heureux, vous permettez ? SUZANNE. — Tu vois ce que je disais, il faut leur dire. LA MÈRE. — En mĂȘme temps, qui est-ce qui m’a mis une idĂ©e pareille en tĂȘte, dans la tĂȘte ? Je le savais. Mais je suis ainsi, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils ne se connaissent, que vous ne vous connaissiez pas, que la femme de mon autre fils ne connaisse pas mon fils, cela, je ne l’aurais pas imaginĂ©, cru pensable. Vous vivez d’une drĂŽle de maniĂšre. Qui adresse la parole Ă  qui dans notre passage ? Antoine rĂ©pond Ă  sa femme — Elle est contente. — On dirait un Ă©pagneul ». Il s'adresse aussi plusieurs fois Ă  sa sƓur Suzanne, s’il te plaĂźt 
 Suzanne, ils se voient pour la premiĂšre fois ! ». Et il s'adresse aussi Ă  sa mĂšre tu le sais trĂšs bien ». Mais ce qui est frappant, c’est qu’il n'y a aucun Ă©change entre les deux frĂšres. Mais mĂȘme le lien entre les autres personnages est remis en question d’une maniĂšre ou d’une autre. Suzanne veut Ă©trangement donner Ă  voir Ă  Antoine, ce qu’elle dit tu vois ce que je disais » comme si sa parole Ă©tait invisible, enfermĂ©e depuis longtemps dans son rĂŽle de quantitĂ© nĂ©gligeable. D’ailleurs la mĂšre n’est certainement pas Ă©trangĂšre Ă  cela. je suis ainsi 
 je n’aurais pu imaginer » elle se voit comme quelqu’un qui ne peut pas concevoir ce qui sort de sa normalitĂ©. Pour elle, il y a son fils Louis et son autre fils » Antoine. On devine dĂ©jĂ  ce qu’on constatera plus tard, sa tendance Ă  mettre des Ă©tiquettes dĂ©finitives sur chacun Antoine brutal, Suzanne nĂ©gligeable, Louis fait ce qu'il a Ă  faire, etc. Or justement Suzanne essaye de jouer les metteuses en scĂšne pour que tout se dĂ©roule selon une certaine image de la normalité  Mais alors, toute la situation devient artificielle les liens qui devraient exister ne sont plus que des liens jouĂ©s. LOUIS. — Je vous embrasse, elle a raison, pardon, je suis trĂšs heureux, vous permettez ? On reconnaĂźt la figure de l’épanorthose, mais cette fois-ci, dans les gestes le geste de serrer la main est remplacĂ© par l’embrassade. Mais on ne peut pas totalement gommer le geste spontanĂ©, quoi qu’on fasse, il laisse une trace. Voire mĂȘme, il devient le message le plus important, qui prend le pas sur tous les autres ! Et en effet le verbe connaĂźtre » est repris trois fois Ă  la forme nĂ©gative, dans une longue Ă©panorthose jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils ne se connaissent, que vous ne vous connaissiez pas, que la femme de mon autre fils ne connaisse pas mon fils, cela, je ne l’aurais pas imaginĂ©, cru pensable. Vous vivez d’une drĂŽle de maniĂšre. Le fait que Louis soit en quelque sorte considĂ©rĂ© comme un Ă©tranger, est ensuite repris coup sur coup par des pronoms cela, je ne l'aurais pas imaginĂ© ». Un peu comme si elle retournait le couteau dans la plaie. C’est l’idĂ©e qu’elle a en tĂȘte, dans la tĂȘte » et que Lagarce a mis symboliquement en-tĂȘte de sa piĂšce, au cƓur de ce premier Ă©change entre les personnages. Par ses paroles, la mĂšre fait aussi le geste de s’isoler symboliquement des autres, avec ce vous » vous vivez d'une drĂŽle de maniĂšre » qui englobe tous les autres. Elle ne fait pas de reproche Ă  Louis en particulier, mais Ă  tous, en mĂȘme temps. Alors qu'au dĂ©but, on ne voit que la distance entre Catherine et Louis, on rĂ©alise au fur et Ă  mesure que ce sont tous des Ă©trangers les uns pour les autres
 La derniĂšre phrase du passage est Ă  mon avis la plus cruelle vous vivez d’une drĂŽle de maniĂšre ». L’adjectif DrĂŽle » renvoie naturellement Ă  la comĂ©die et au comique, mais il est utilisĂ© ici de maniĂšre grinçante, ironique il laisse entendre l’inverse de ce qu’il dit. L’action de vivre est lui-mĂȘme remise en cause, un peu comme si l’absence de Louis, et le pĂ©ril des liens familiaux les avait tous dĂ©jĂ  fait entrer dans une mort symbolique. Conclusion Merci Ă  Nicolas Auffray dont les analyses ont contribuĂ© Ă  cette explication linĂ©aire. Dans cette premiĂšre scĂšne, les prĂ©sentations font aussi office d’exposition le spectateur en apprend plus sur les personnages et sur l’intrigue. Mais tout passe sous le discours, dans les gestes, les sous-entendus, les rĂ©actions surjouĂ©es et les effets d’ironie. DĂšs le dĂ©but de la piĂšce, Lagarce nous fait ressentir le poids du passĂ© et des non-dits, et nous laisse mĂȘme dĂ©jĂ  entendre que peut-ĂȘtre, le silence final est inĂ©luctable. Ces gestes imperceptibles, ces signes presque subliminaux qui rĂ©vĂšlent les failles de la communication, on pourrait les rapprocher de ce que Nathalie Sarraute appelle les tropismes, et qu’elle met notamment en scĂšne notamment dans sa piĂšce Pour un oui pour un non
 — Des mots ? Entre nous ? Ne me dis pas qu’on a eu des mots
 ce n’est pas possible
 et je m’en serais souvenu
 — Non, pas des mots comme ça
 d’autres mots
 pas ceux dont on dit qu’on les a eus»  Des mots qu’on n’a pas eus», justement
 Nathalie Sarraute, Pour un oui pour un non, 1981.[...] Soutenez le site et accĂ©dez au contenu complet. ⇹ Outil support pour rĂ©aliser un commentaire composĂ©. ⇹ Lagarce, Juste la fin du monde 🃏 Partie 1 scĂšne 1 axes de lecture ⇹ Lagarce, Juste la fin du monde - Partie 1 scĂšne 1 texte ⇹ Lagarce, Juste la fin du monde 🔎 Partie 1 scĂšne 1 explication linĂ©aire au format PDF ⇹ Lagarce, Juste la Fin du Monde 🎧 Partie 1 scĂšne 1 Explication linĂ©aire en podcast Juste la fin du monde est une Ɠuvre théùtrale Ă©crite par Jean-Luc Lagarce en 1990 Ă  Berlin. Traduite en plusieurs langues, l’histoire de Juste la fin du monde est Ă©mouvante et passionnante. Les dialogues sont minutieux et prĂ©cis. L’auteur Jean-Luc Lagarce a bien fait d’écrire cette piĂšce pour ouvrir les yeux de l’humanitĂ©. Une Ɠuvre qui vous donne une rĂ©flexion profonde sur votre existence. Alors, si l’histoire vous intĂ©resse, voici un rĂ©sumĂ© de Juste la fin du monde. RĂ©sumĂ© de juste la fin du monde Louis, un homme de trente-quatre ans qui est Ă  l’aube de la mort comme il a peur. Louis prĂ©tend toujours que personne ne l’aime et ne s’occupe pas de lui, ne s’intĂ©resse pas Ă  lui, alors que c’est tout Ă  fait le contraire. Sa mĂšre est toujours lĂ  pour lui et se fait des soucis Ă  son Ă©gard. Pour ses frĂšres et sƓurs, ils se prĂ©occupent de leur vie, mais n’ont pas du tout cette attitude de rejet envers Louis. En dĂ©pit de sa peine, il a quittĂ© sa famille pour dĂ©mĂ©nager dans sa zone de confort, non loin de sa famille. Sa vie bouscule en apprenant qu’il est sĂ©ropositif. Tout tourne autour de lui et ne sait pas oĂč mettre les pieds. Alors, aprĂšs une longue absence ponctuĂ©e de petites lettres, de cartes postales, durant une ultime visite, il dĂ©cide de retrouver sa famille. Il annonce premiĂšrement Ă  sa mĂšre qu’il va bientĂŽt mourir. En effet, Louis est dĂ©sespĂ©rĂ© que les choses ne soient pas comme il le souhaitait. Il dit Ă  sa mĂšre qu’il se sent seul et perdu. Il a peur de la mort. Les autres membres de la famille lui reprochent son attitude. Cependant, sa mĂšre est triste et voudrait qu’il lui rende visite plus tĂŽt. Quant Ă  sa sƓur Suzanne, elle lui reproche Ă©galement de ne pas l’avoir dit sur sa visite. En effet, Louis pense que l’atmosphĂšre est encore conflictuelle et dĂ©cide de partir sans rĂ©vĂ©ler Ă  ses proches sa visite. Dans la famille, les tensions ne s’apaisent pas mĂȘme en cas d’absence de Louis. Chacun Ă©met quelques reproches aux autres tout en faisant rĂ©fĂ©rence au passĂ©. Par exemple, Catherine souligne qu’Antoine est un garçon brutal et qui dĂ©clenche une colĂšre sans vouloir expliquer les choses. Dans la scĂšne, Suzanne ne cesse de s’approcher de Louis pour lui faire part de ses sentiments. MalgrĂ© le rejet de Louis, elle espĂšre toujours un changement venant de son frĂšre. Quand elle apprend la nouvelle, elle est sans voix et se fond en larmes. Tout cela montre Ă  quel point la vie de son frĂšre de sang est si forte, plus forte que tout malgrĂ© le sentiment de Louis. Quand la nouvelle est annoncĂ©e, sa mĂšre s’est Ă©tonnĂ©e et lui apporte du courage. En effet, cette mauvaise nouvelle a fait tisser un fort lien avec son fils. MalgrĂ© l’attitude de Louis, sa mĂšre n’a pas pu empĂȘcher d’en parler avec ses frĂšres et sƓurs malgrĂ© le silence de Louis. Antoine est Ă©galement celui qui le comprend vraiment. C’est un ouvrier qualifiĂ© dans son travail. Il manie et contrĂŽle parfaitement les machines et outils. De par ses compĂ©tences et son savoir-faire, il est devenu un syndicaliste. C’est une bonne personne. Il est toujours optimiste et n’envisage aucun doute sur l’avenir. Tout le monde l’adore, car c’est quelqu’un d’honnĂȘte et gĂ©nĂ©reux. Il reprĂ©sente en tout le monde finissant. Vis-Ă -vis de son frĂšre, il ne lui reproche rien et reste quelqu’un comprĂ©hensif. Entre autres, Louis essaye de corriger ses erreurs et tente de rectifier ses mauvaises pensĂ©es, ses gestes, ses sentiments et ses prĂ©jugĂ©s. Il Ă©voque ses sentiments qu’il n’a pas saisi la chance d’ĂȘtre heureux. Avec un effort incroyable, il arrive enfin Ă  cerner que la vie est si courte et que la solitude ne lui avance Ă  rien, plus prĂ©cisĂ©ment le fait de s’éloigner de sa famille n’est pas du tout un remĂšde Ă  sa situation. Avec le temps, il a pu connaĂźtre ce qui est prĂ©cieux dans la vie et c’est la famille. En parallĂšle, sa famille a tendu sa main pour lui apporter un soutien et un accompagnement dans sa vie. Peu importe le mĂ©pris Ă  leur Ă©gard, les prĂ©jugĂ©s et les moqueries de Louis, sa famille a toujours espĂ©rĂ© qu’il se change jour. Sans connaissance de sa maladie, elle n’a cessĂ© de lier le lien entre son frĂšre et lui. En tout, l’amour et l’appui de sa famille ont fait raviver le cƓur de Louis qui est tombĂ© dans une grande dĂ©pression. Les personnages dans Juste la fin du monde Les personnages dĂ©crits par Jean-Luc Lagarce dans Juste la fin du monde jouent tous un rĂŽle important dĂ©montrant son identitĂ© et sa personnalitĂ© envers l’acteur principal. PremiĂšrement, la mĂšre de Louis est une femme dynamique, humble et serviable. Éduquer ses enfants est sa prioritĂ©. Elle n’a pas vraiment fait des Ă©tudes, mais ne possĂšde qu’un simple certificat. Elle occupe divers postes. Une ouvriĂšre auparavant et ensuite, elle est femme de mĂ©nage. Elle aime s’occuper de son foyer et se sacrifie pour nourrir ses enfants. C’est une femme forte et battante. Avec sa retraite, elle vit maintenant une vie modeste. Son centre d’intĂ©rĂȘt c’est sa famille. La rĂ©ussite et l’épanouissement de ses enfants sont ses prioritĂ©s. Ses frĂšres et sƓurs possĂšdent des personnalitĂ©s diffĂ©rentes. En effet, chacun a son propre caractĂšre et ses centres d’intĂ©rĂȘt. Ils pensent que Louis s’est Ă©cartĂ© d’eux parce que c’est son choix. Or, Louis se sent rejetĂ© et mal aimĂ© par sa famille. Pour les autres Ă  part Antoinne, la vie continue malgrĂ© l’absence de Louis. Toutefois, ils pensent que son frĂšre est de nature invivable et que c’est mieux qu’il parte s’il n’est pas heureux avec sa famille. Son dĂ©part n’a pas du tout eu un grand impact dans leur vie. En tout, ils pensent que le temps rĂ©parera tout et ils espĂšrent seulement que son bien. Bref, Juste la fin du monde est l’une des piĂšces les plus Ă©coutĂ©es au théùtre. Le rĂ©sumĂ© de Juste la fin du monde vous donne un aperçu de la scĂšne intĂ©grale. Le contexte du titre manifeste la modification de la tonalitĂ© de l’Ɠuvre. En fait, l’optimiste esquissĂ©e fait place Ă  un sentiment tragique, la fin de son monde. Il tente de se racheter et de donner un amour Ă  sa famille. C’est la derniĂšre chose qu’il souhaite avant que tout s’écroule. En tout, l’auteur Jean-Luc Lagarce de l’Ɠuvre Juste la fin du monde souligne que cette vie a une finalitĂ© et que personne n’y Ă©chappe. Sur ce, il faut faire le bien et donner autant d’amour que possible pour ne pas se regretter un jour. Juste la fin du monde de Lagarce Personnages principaux Louis Suzanne Antoine Catherine La mĂšre RĂ©sumĂ© par parties Prologue Louis annonce qu’il va bientĂŽt mourir, ce qu’il attend. Il va ĂȘtre le messager de sa propre mort auprĂšs de sa famille. Partie 1 RĂ©union de famille. Suzanne prĂ©sente Catherine Ă  Louis car, mĂȘme si elle est sa belle-sƓur, ils ne se connaissent pas. Leur mĂšre oublie beaucoup de choses, est-elle malade? Catherine parle de ses enfants Ă  Louis qui ne les connait pas. Leur fils s’appelle Louis par tradition familiale car Louis n’a pas d’enfant. Antoine veut gĂącher la journĂ©e ? Est-il en colĂšre ? Suzanne raconte toute sa vie Ă  Louis. Il a Ă©tĂ© longtemps absent ? Il est Ă©crivain ? Elle vit toujours chez sa mĂšre mais a meublĂ© son Ă©tage. Elle parle aussi d’Antoine et de son pavillon situĂ© dans un quartier qu’elle n’apprĂ©cie pas. Elle conclut en disant Ă  Louis qu’il a eu raison de ne pas s’inquiĂ©ter. Antoine a mauvais caractĂšre, il ne laisse pas parler les gens. La mĂšre raconte ses souvenirs sur les promenades du dimanche. Les deux frĂšres se chamaillaient beaucoup quand ils Ă©taient enfants. Louis se souvient qu’un matin il s’est rĂ©veillĂ© en se disant qu’il devait aller voir sa famille. L’absence d’amour fait plus de mal Ă  son entourage qu’à lui. Louis parle avec Catherine. Elle lui dit ce qu’Antoine fait dans la vie. Elle ajoute qu’Antoine pense surement que Louis ne s’intĂ©resse pas Ă  lui et Ă  sa vie. Elle ne veut pas faire l’intermĂ©diaire entre les deux frĂšres. Suzanne lui dit de ne pas s’inquiĂ©ter, Catherine est plus forte qu’elle n’en a l’air. Louis dit Ă  sa sƓur qu’elle n’a pas changĂ© elle donne toujours son avis sur tout. Sa mĂšre dit Ă  Louis qu’Antoine et Suzanne vont lui parler mais qu’ils vont mal s’y prendre et que lui va mal rĂ©agir. Il doit, d’aprĂšs elle, les encourager Ă  vivre leur vie, ils attendent cela de lui. Suzanne et Antoine se disputent car il veut tout contrĂŽler. Ils quittent la table e colĂšre. Louis finit par en faire de mĂȘme. Leur mĂšre Ă©tait pourtant contente qu’ils soient tous rĂ©unis. Louis raconte les diffĂ©rentes Ă©tapes par lesquelles il est passĂ© pour lutter contre la Mort ? Il est seul sur scĂšne. Il cherche juste Ă  mourir apaisĂ©, calme ? Antoine et Louis parlent ensemble. Louis lui dit qu’en rĂ©alitĂ© il est arrivĂ© pendant la nuit. Antoine en a assez d’ĂȘtre jaloux de la vie de son frĂšre. Il ne veut pas qu’on lui dise tout sous prĂ©texte qu’il ne parte pas et qu’il Ă©coute. IntermĂšde Louis dit qu’il se sent perdu et seul. Sa mĂšre n’a pas compris ni entendu ce qu’il a dit. Antoine dit Ă  Suzanne qu’il s’est disputĂ© avec Louis. Il ne l’imaginait pas comme ça. D’habitude quand ils ne se voient pas, ils s’aiment. Louis est seul, il est rentrĂ© car il avait peur de la mort. La pire des choses » aurait Ă©tĂ© qu’il soit amoureux. Antoine et Suzanne ne comprennent pas pourquoi Louis n’est pas venu plus souvent alors qu’il n’habite pas loin. Antoine dit qu’il aime se faire dĂ©sirer. Catherine cherche Antoine. Elle dit Ă  Louis que depuis la dispute ils sont tous perdus ? Antoine fait comprendre Ă  Suzanne qu’elle n’est pas vraiment malheureuse. Elle a juste dĂ©cidĂ© de l’ĂȘtre car il Ă©tait parti. La mĂšre cherche Louis. Ils se cherchent tous sans s’entendre s’appeler. Suzanne reproche Ă  Antoine de ne jamais rĂ©pondre quand on l’appelle. Il dit qu’on finit toujours par le retrouver de toute façon. La mĂšre retrouve Louis, elle a eu peur qu’il n soit parti. Partie 2 Louis se parle Ă  lui-mĂȘme. Il repart sans leur avoir annoncĂ© sa mort prochaine. Il fait des promesses qu’il sait qu’il ne tiendra pas. Louis est sur le dĂ©part. Suzanne et Catherine reprochent Ă  Antoine d’ĂȘtre brutal. Antoine craque pourquoi tout le monde est contre lui ? Antoine dit qu’à cause de lui, il a Ă©tĂ© malheureux. Louis a toujours prĂ©tendu ne pas ĂȘtre aimĂ© alors tout le monde ne s’occupait plus que de lui. Antoine se sentait responsable. Epilogue Louis va mourir seul. Il Ă©voque un dernier souvenir dans lequel il n’a pas saisi sa chance d’ĂȘtre heureux. Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde - Partie II, scĂšne 2 Commentaire composĂ©. DerniĂšre mise Ă  jour 30/11/2021 ‱ ProposĂ© par jllesaint Ă©lĂšve Texte Ă©tudiĂ© ANTOINE. — [...] Catherine, aide-moi, je ne disais rien, on rĂšgle le dĂ©part de Louis, il veut partir, je l’accompagne, je dis qu’on l’accompagne, je n’ai rien dit de plus, qu’est-ce que j’ai dit de plus ? Je n’ai rien dit de dĂ©sagrĂ©able, pourquoi est-ce que je dirais quelque chose de dĂ©sagrĂ©able, qu’est-ce qu’il y a de dĂ©sagrĂ©able Ă  cela, y a-t-il quelque chose de dĂ©sagrĂ©able Ă  ce que je dis ? Louis ! Ce que tu en penses, j’ai dit quelque chose de dĂ©sagrĂ©able ? Ne me regardez pas tous comme ça ! CATHERINE. — Elle ne te dit rien de mal, tu es un peu brutal, on ne peut rien te dire, tu ne te rends pas compte, parfois tu es un peu brutal, elle voulait juste te faire remarquer. ANTOINE. — Je suis un peu brutal ? Pourquoi tu dis ça ? Non. Je ne suis pas brutal. Vous ĂȘtes terribles, tous, avec moi. LOUIS. — Non, il n’a pas Ă©tĂ© brutal, je ne comprends pas ce que vous voulez dire. ANTOINE. — Oh, toi, ça va, la BontĂ© mĂȘme » ! CATHERINE. — Antoine. ANTOINE. — Je n’ai rien, ne me touche pas ! Faites comme vous voulez, je ne voulais rien de mal, je ne voulais rien faire de mal, il faut toujours que je fasse mal, je disais seulement, cela me semblait bien, ce que je voulais juste dire – toi, non plus, ne me touche pas ! – je n’ai rien dit de mal, je disais juste qu’on pouvait l’accompagner, et lĂ , maintenant, vous en ĂȘtes Ă  me regarder comme une bĂȘte curieuse, il n’y avait rien de mauvais dans ce que j’ai dit, ce n’est pas bien, ce n’est pas juste, ce n’est pas bien d’oser penser cela, arrĂȘtez tout le temps de me prendre pour un imbĂ©cile ! il fait comme il veut, je ne veux plus rien, je voulais rendre service, mais je me suis trompĂ©, il dit qu’il veut partir et cela va ĂȘtre de ma faute, cela va encore ĂȘtre de ma faute, ce ne peut pas toujours ĂȘtre comme ça, ce n’est pas une chose juste, vous ne pouvez pas toujours avoir raison contre moi, cela ne se peut pas, je disais seulement, je voulais seulement dire et ce n’était pas en pensant mal, je disais seulement, je voulais seulement dire... LOUIS. — Ne pleure pas. ANTOINE. — Tu me touches je te tue. LA MERE. — Laisse-le, Louis, laisse-le maintenant. Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde - Partie II, scĂšne 2 Jean Luc Lagarce nĂ© en 1957 et mort en 1995 est un auteur dramatique contemporain et metteur en scĂšne du XXe siĂšcle, il publie en 1990 Juste avant la fin du monde, une piĂšce de théùtre. Dans la scĂšne 2 de la partie 2, Louis, hĂ©ros principal de la piĂšce, revient aprĂšs une longue absence annoncer sa mort prochaine Ă  sa famille. Son frĂšre et sa sƓur se disputent, et il finira par repartir sans rien leur dire. Ainsi nous pourrons nous demander dans quelle mesure cette scĂšne montre l’échec de la communication pour Ă©viter les conflits. Pour cela, nous aborderons dans un premier temps les tensions qui posent un problĂšme de communication au sein de la famille. Dans un deuxiĂšme temps, nous analyserons la violence qui finit par dominer la scĂšne, en se substituant Ă  la communication. I. Des tensions qui brouillent la communication Antoine, le frĂšre du hĂ©ros, est en colĂšre contre Suzanne, leur sƓur. Elle lui reproche des choses qui selon lui sont fausses. La tension entre les membres de la famille est de ce fait palpable. a Chaque personnage est impliquĂ© Antoine exprime sa colĂšre je ne disais rien .. je n'ai rien dit de plus ... je n'ai rien dit » lignes 2,5,7. Il se rĂ©pĂšte pour prouver son innocence. Il continue en se questionnant y-a-t-il quelque chose de dĂ©sagrĂ©able Ă  ce que je dis ? » puis prend son frĂšre Ă  tĂ©moin Louis! ... j'ai dit quelque chose de dĂ©sagrĂ©able ? » Antoine est indignĂ© Ne me regardez pas comme ça ! » Catherine la femme d’Antoine prend Ă  son tour partie et dĂ©fend Suzanne Elle ne te dit rien de mal ». Elle juge son mari en l'accusant d'ĂȘtre une brute tu es un peu brutal » et continue en lui disant on ne peut rien te dire » b Une difficultĂ© de communication, accentuĂ©e par la paranoĂŻa d'Antoine Antoine par la suite s'interroge Ă  nouveau Je suis un peu brutal ? Pourquoi tu dis ça ? » Ce questionnement rhĂ©torique nous donne l'impression qu'il est paranoĂŻaque. Il croit que tout le monde est contre lui Vous ĂȘtes terribles,tous avec moi » Cela accentue sa possible paranoĂŻa. Louis essaie de dĂ©fendre Antoine mais celui-ci le brime en le surnommant la bontĂ© mĂȘme » L'auteur emploie ici une antiphrase. Il se met en position de victime ce n'est pas bien, ce n'est pas juste » arrĂȘtez...de me prendre pour un imbĂ©cile ! » Il emploie un rythme redondant et amplifie ses propos. Antoine n'arrive pas Ă  communiquer, et finit par substituer Ă  ses difficultĂ©s de communication un comportement violent. II. La violence d'Antoine se substitue Ă  la communication a L'agressivitĂ© d'Antoine Antoine finit par devenir violent, il repousse sa femme Je n'ai rien ne me touche pas » Il poursuit avec toi, non plus, ne me touche pas ! » il devient agressif, il insinue qu'on le prend pour un monstre comme une bĂȘte curieuse » il se compare Ă  une bĂȘte. Quand Louis essaie de le consoler Ne pleure pas », il se fait aussitĂŽt rejeter Tu me touches je te tue ». Il finit ainsi son dialogue par une menace de mort. b Le dĂ©sespoir d'Antoine Antoine finit par lĂącher prise et ne dĂ©sire plus rien il fait comme il veut, je ne veux plus rien » Il a perdu toute conviction, il pense que c'est injuste ce qui lui arrive et il le fait savoir ce ne peut pas... ce n'est pas une chose juste, vous ne pouvez pas... cela ne se peut pas. » Il est accablĂ© sous les reproches. Il bafouille et se rĂ©pĂšte et ne finit pas ses phrases je voulais seulement dire... » Il finit par succomber Ă  la pression et finit par pleurer. Leur mĂšre intervient et ordonne Ă  Louis de s'Ă©loigner Laisse-le, Louis, laisse-le maintenant. », ce qui met fin Ă  la discussion. Conclusion En dĂ©finitive Antoine est un Ă©ternel incompris, il ne sait pas exprimer ses sentiments et se sent offensĂ© et attaquĂ© par tous. Il en devient paranoĂŻaque et violent. Les tensions naissantes dans cette scĂšne se sont ainsi transformĂ©es en violence. Louis lui, dans ce passage, est constamment agressĂ© par son frĂšre aĂźnĂ©, qui menace mĂȘme de le tuer. L'auteur met en avant la rage d'Antoine en laissant du coup Louis de cĂŽtĂ©. Louis a bien essayĂ© d'arranger les choses, mais en vain. Il partira sans avoir pu leur annoncer son funeste destin. La violence a dĂšs pris le pas sur la communication, qui a empĂȘchĂ© la principale raison de la venue de Louis. Juste la fin du monde est l'une des derniĂšres piĂšces de théùtre de Jean-Luc Lagarce, Ă©crite peu de temps aprĂšs qu'il a appris sa sĂ©ropositivitĂ©. Les notes de crĂ©ation conservĂ©es dans son Journal rĂ©vĂšlent que cette piĂšce s'intitulait Ă  l'origine Quelques Ă©claircies. Si la trame reste la mĂȘme un homme dĂ©cide de rendre visite Ă  sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine, l'Ă©volution du titre manifeste le changement de tonalitĂ© de l'Ɠuvre l'optimisme esquissĂ© par les Ă©claircies laisse place Ă  un sentiment de fin du monde, perçu tantĂŽt comme tragique, tantĂŽt comme Du drame familial Ă  la comĂ©die de la familleUne reconnaissance manquĂ©eLe retour du hĂ©ros dans la maison familiale aprĂšs plusieurs annĂ©es d'absence s'accompagne d'un dĂ©sir celui d'ĂȘtre reconnu par les siens. Il peut ĂȘtre compris comme une volontĂ© de donner Ă  ses proches une seconde chance de le connaĂźtre re-connaĂźtre prend alors le sens de connaĂźtre une seconde fois et de leur permettre de dĂ©couvrir ses qualitĂ©s reconnaĂźtre prend alors le sens d'obtenir la considĂ©ration des autres. Sur le plan dramaturgique, la reconnaissance » est aussi un procĂ©dĂ© théùtral, employĂ© habituellement Ă  la fin d'une piĂšce pour en permettre le dans cette piĂšce, tout se joue dĂšs le dĂ©but Louis doit se faire reconnaĂźtre par ses proches et il a un secret Ă  leur avouer. Mais il ne parvient Ă  faire ni l'un ni l'autre. C'est son frĂšre, Antoine, qui entĂ©rine cette reconnaissance manquĂ©e tu ne sais pas qui je suis, / tu ne l'as jamais su, / ce n'est pas ta faute et ce n'est pas de la mienne / non plus, moi non plus, je ne te connais pas [
] / on ne se connaĂźt pas » partie 1, sc. 11. Si toute reconnaissance est impossible, c'est que les personnages avouent ne s'ĂȘtre jamais connus. Ils se rĂ©vĂšlent prisonniers des rĂŽles qu'ils se sont attribuĂ©s les uns aux vaine tentative de dĂ©-jouerLe retour de Louis peut de ce fait apparaĂźtre comme une tentative de dĂ©-jouer dĂ©jouer l'intrigue qu'il prĂ©voit, dĂ©-jouer la distribution des rĂŽles. Lorsqu'il a entrepris son voyage, il savait dĂ©jĂ  quelle tournure allaient prendre les Ă©vĂ©nements c'est exactement ainsi, / lorsque j'y rĂ©flĂ©chis, / que j'avais imaginĂ© les choses, / vers la fin de la journĂ©e, / sans avoir rien dit de ce qui me tenait Ă  cƓur / – c'est juste une idĂ©e mais elle n'est pas jouable » partie 2, sc. 1. PrĂ©voyant tout ce qui va advenir, Louis voudrait en contrarier le cours et imposer une nouvelle trame Ă  l'histoire familiale. Mais il rĂ©alise vite que ce projet n'est pas jouable » il est condamnĂ©, comme les autres, Ă  endosser son costume chacun joue en effet sa comĂ©die familiĂšre et familiale. Louis est le frĂšre aĂźnĂ© dĂ©sirable et lointain, distant » intermĂšde, sc. 5, Antoine, le frĂšre au mauvais caractĂšre, bornĂ© » partie 1, sc. 4, Suzanne, la petite sƓur qui parle trop, la mĂšre, celle qui ressasse et Catherine, la belle-sƓur simple, claire, prĂ©cise » partie 1, sc. 7. Chaque personnage Ă©nonce un jugement sur les autres dont aucun ne peut se libĂ©rer, comme le dĂ©clare Antoine Ă  Louis car tu le voudrais, tu ne saurais plus t'en dĂ©faire, tu es pris Ă  ce rĂŽle » partie 2, sc. 3. À tel point que Suzanne, la petite sƓur, indique Ă  Louis le moment de la conversation oĂč il faudrait qu'il lui dise Ta gueule, Suzanne » et que celui-ci, pour respecter le jeu de rĂŽles, s'exĂ©cute partie 1, sc. 7. II. Une piĂšce sans actionUne structure statiqueL'une des particularitĂ©s de cette piĂšce est l'absence d'action qu'elle prĂ©sente il ne se passe rien, les seuls actes observables sont des actes de langage. La structure de la piĂšce repose sur des scĂšnes comme juxtaposĂ©es, une suite de paroles isolĂ©es soit le dialogue ne prend pas entre les personnages dans les scĂšnes de groupe, soit la parole est confisquĂ©e par un seul personnage durant une scĂšne entiĂšre, donnant lieu Ă  une succession de parole solitaire de Louis vient rĂ©guliĂšrement ponctuer la piĂšce au dĂ©but prologue, Ă  la fin Ă©pilogue et au dĂ©but de la seconde partie sc. 1. Au centre de la piĂšce survient l'intermĂšde, comme dans un hors-temps, un hors-lieu, Ă  mi-chemin entre le rĂȘve et le fantasme, contribuant Ă  fragmenter un peu plus la temporalitĂ©, Ă  disloquer le rĂ©el. Pas de pĂ©ripĂ©ties, pas de coups de théùtre, il n'est question que de langage de la volontĂ© de dire, de l'incapacitĂ© de en l'airTout comme aucune action ne s'engage, aucune parole ne se rĂ©alise le langage ne fait que sanctionner l'impossibilitĂ© de l'action. Les personnages ne font que dire ce qu'ils feraient si, Ă©noncer ce qu'ils diraient si Je souhaite quant Ă  moi, / ce que je souhaitais, / je serais heureux de pouvoir
 » partie 1, sc. 6. Les nombreuses Ă©panorthoses, le plus souvent exprimĂ©es par des changements de temps et de modes des verbes, indiquent le caractĂšre vellĂ©itaire des paroles la vellĂ©itĂ© au mensonge, il n'y a d'ailleurs qu'un pas et les personnages se complaisent en fausses promesses. La mĂšre demande ainsi Ă  Louis de mentir mĂȘme si ce n'est pas vrai, un mensonge qu'est-ce que ça fait ? Juste une promesse qu'on fait en sachant par avance qu'on ne la tiendra pas » partie 1, sc. 8.III. Dire la lente paralysie de la vieDialogues de sourds-muetsJuste la fin du monde met en scĂšne l'Ă©chec du dialogue chacun se heurte Ă  la difficultĂ© de dire Ă  l'autre ce qu'il voudrait exprimer. Louis le premier, dans la scĂšne 5 de la premiĂšre partie, avoue qu'il ne trouve pas les mots » avant de conclure que sa famille l'aime comme un mort, sans pouvoir ni savoir jamais rien [lui] dire ». Il est pris entre priĂšres de parler et priĂšres de se taire. Suzanne et la mĂšre veulent qu'il se dĂ©voile, qu'il raconte. À l'inverse, Catherine et Antoine lui intiment l'ordre de ne rien la difficultĂ© pour Louis de parler rĂ©pond le refus d'Antoine d'Ă©couter tu voudras me parler / et il faudra que j'Ă©coute / et je n'ai pas envie d'Ă©couter » partie 1, sc. 11. DĂšs lors que l'un des personnages prend la parole, ou il s'excuse de le faire ou il s'emploie Ă  fournir une interprĂ©tation des mots qu'il prononce, comme la mĂšre qui ne cesse de commenter son propre discours ce que j'essaie de dire » partie 1, sc. 4. MinĂ© de toutes parts, le dialogue ne peut s' l'inĂ©luctableSi les personnages ne parviennent pas Ă  communiquer, c'est aussi que toutes leurs amorces de conversations sont arrimĂ©es au passĂ©. Un passĂ© que chacun recrĂ©e Ă  sa façon, sur lequel chacun a son mot dĂ©finitif Ă  dire, comme l'explique la mĂšre dans la scĂšne 8 de la premiĂšre partie. Pour chacun des personnages, il ne s'agit que d'exposer son point de vue, sa vĂ©ritĂ©, comme le permet au théùtre la focalisation cette piĂšce, et cela fait sa singularitĂ©, semble adopter une focalisation interne en privilĂ©giant le point de vue de Louis qui, dĂ©passant les limites du personnage de théùtre, se place en narrateur et en tĂ©moin d'une histoire qu'il raconte autant qu'il la rejoue, brouillant les frontiĂšres entre les genres pour la dissertation les enjeux du parcours– Festen de Thomas Vinterberg, 1998Helge, pĂšre de famille danois, fĂȘte ses soixante ans. À cette occasion, il invite toute sa famille pour une grande cĂ©lĂ©bration. Son fils aĂźnĂ©, qui a fait sa vie Ă  Paris et dont la sƓur jumelle s'est suicidĂ©e des annĂ©es auparavant, revient spĂ©cialement et prononce un discours en l'honneur de son pĂšre, que tous attendent avec impatience. Il y rĂ©vĂšle devant l'assemblĂ©e que son pĂšre les a violĂ©s, lui et sa sƓur, durant leur enfance, et qu'il est temps qu'il rende des points communs avec la piĂšce de Lagarce sont nombreux on retrouve le retour d'un membre de la famille venu dans l'intention d'apporter une nouvelle qui va en bouleverser l'Ă©quilibre. Le protagoniste est lui aussi blessĂ© et traumatisĂ© par ce qu'il vient annoncer et sait qu'il va devoir faire face Ă  des rĂ©actions hostiles. La crise est donc personnelle, mais aussi familiale elle implique les autres, et le rĂ©cit va s'attacher Ă  dĂ©crire l'interaction entre un individu et le groupe auquel il appartient, et qui a tendance Ă  faire bloc contre diffĂ©rence rĂ©side dans le mobile de cette nouvelle chez Lagarce, Louis doit annoncer sa maladie et sa mort prochaine. Chez Vinterberg, Christian va dĂ©truire la famille en dĂ©voilant les crimes du pĂšre. Pourtant, le traitement est assez similaire est surtout dĂ©crite la maniĂšre dont le groupe rĂ©agit, et s'organise presque inconsciemment pour rejeter celui qui se distingue. Christian et Louis sont en effet tous les deux des Ă©lectrons libres, qui ont fait leur vie ailleurs, pour se protĂ©ger d'une cellule qu'ils jugent toxique. Lagarce et Vinterberg veulent tous les deux dissĂ©quer son fonctionnement, et la maniĂšre dont une hystĂ©rie collective peut se mettre en place pour empĂȘcher le rebelle de parler, pour le discrĂ©diter ou l' question de la famille rejoint les thĂ©matiques universelles de la tragĂ©die on le voit dans le rapport au pĂšre, mais aussi dans la rivalitĂ© entre les frĂšres, qui existe aussi bien chez le dramaturge que le cinĂ©aste entre jalousie et convoitise du statut du fils prĂ©fĂ©rĂ©, les liens fraternels se nouent toujours avec agressivitĂ© et maladresse, empĂȘchant une rĂ©elle communication. Le lien Ă  la mĂšre, enfermĂ©e dans un rĂŽle qu'elle a Ă©crit au fil des annĂ©es, est Ă©galement similaire incapable de voir les ĂȘtres changer autour d'elle, convaincue de la lĂ©gende dans laquelle elle a figĂ© sa famille, elle est celle qui, malgrĂ© des sentiments sincĂšres, oppose le plus de rĂ©sistance Ă  la prĂ©sence de celui qui voudrait parler, rĂ©vĂ©ler et assainir les le plan esthĂ©tique, la diffĂ©rence entre théùtre et cinĂ©ma est particuliĂšrement intĂ©ressante le monologue prĂ©domine chez Lagarce, et une rĂ©flexion sur la langue et sa capacitĂ© Ă  dire juste est une des thĂ©matiques essentielles de la piĂšce. Vinterberg a quant Ă  lui optĂ© pour une esthĂ©tique trĂšs particuliĂšre, issue du Dogme95, dans laquelle l'authenticitĂ© la plus grande est requise plans-sĂ©quences, camĂ©ra Ă  l'Ă©paule, cris, interruptions et interactions violentes donnent Ă  l'Ɠuvre une force fondĂ©e sur la spontanĂ©itĂ©.– Serre-moi fort de Mathieu Amalric, 2021Ce film est adaptĂ© d 'une piĂšce de théùtre qui n 'a jamais Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©e sur scĂšne. Les premiĂšres sĂ©quences montrent une mĂšre de famille quittant discrĂštement la maison au petit matin et s 'enfuyant en voiture vers la mer. On voit, en parallĂšle, la vie de ceux qui restent — son mari, sa fille, son fils —, et qui vont devoir apprendre Ă  vivre avec son absence. Mais le rĂ©cit fragmentaire va progressivement rĂ©vĂ©ler des vĂ©ritĂ©s bien cellule familiale Ă©voquĂ©e ici est plus jeune que chez Lagarce les enfants y ont encore toute leur innocence, et les sĂ©quences qui leur sont consacrĂ©es dressent le portrait d'un bonheur simple et quotidien, entre repas, retour de l'Ă©cole, jeux et partage. Mais la crise n'est pas moins prĂ©sente. Mathieu Amalric montre, du point de vue de la mĂšre qui s'absente, ce Ă  quoi elle n'a plus droit, sans qu'on sache dans un premier temps la raison pour laquelle elle se prive de vivre auprĂšs d'eux, alors qu'elle passe visiblement son temps Ă  penser Ă  eux. Sa crise personnelle est une sorte d'odyssĂ©e en dehors de la maison familiale, un road movie qui lui fait expĂ©rimenter une solitude qu'elle ne connaissait plus. Mais le montage la ramĂšne sans cesse aux siens, qu'elle ne parvient pas Ă  oublier.[Avertissement si vous comptez voir le film, ne lisez les lignes suivantes qu'aprĂšs le visionnage, qui serait gĂąchĂ© par les rĂ©vĂ©lations qu'elles contiennent.] La construction non linĂ©aire du rĂ©cit nous apprendra progressivement la vĂ©ritĂ© en rĂ©alitĂ©, la famille a disparu dans une avalanche, et la mĂšre doit attendre la fonte des glaces pour rĂ©cupĂ©rer les corps. Durant cette pĂ©riode de flottement, elle parcourt la rĂ©gion autour de chez elle, et s'invente une fugue en imaginant les siens continuer Ă  vivre, ce qui lui rend plus supportable le deuil auquel elle va devoir immanquablement se confronter. La crise est donc surtout personnelle la mĂšre voit subitement tout son univers disparaĂźtre et doit composer avec la plus terrible des douleurs. En Ă©crivant la vie de son mari, sa fille et son fils, elle construit la crise familiale qui pourrait rĂ©sulter de son dĂ©part une façon, pour elle, de se consoler de sa perte en pensant Ă  quel point elle pourrait aussi manquer Ă  ceux qui ne sont plus lĂ  pour la Corpus crise personnelle, crise familialeTragĂ©die et familleDans la tragĂ©die, le hĂ©ros ou l'hĂ©roĂŻne tente vainement d'Ă©chapper Ă  une malĂ©diction familiale. Ainsi, l'histoire des grandes familles tragiques de la mythologie grĂ©co-romaine que sont les Atrides Agamemnon, MĂ©nĂ©las, Clytemnestre, IphigĂ©nie, Oreste et Électre et les Labdacides ƒdipe, Jocaste, ÉtĂ©ocle et Polynice, Antigone, IsmĂšne ont inspirĂ© les trois grands auteurs tragiques grecs, Eschyle, Sophocle et Euripide. Eschyle s'intĂ©resse aux Labdacides dans Les Sept contre ThĂšbes et aux Atrides dans l'Orestie. Sophocle consacre trois piĂšces aux Labdacides, Antigone, ƒdipe roi, ƒdipe Ă  Colone et une aux Atrides, Électre. Euripide quant Ă  lui s'intĂ©resse aux Atrides avec Électre, Oreste, IphigĂ©nie en Tauride et IphigĂ©nie Ă  Aulis. La tragĂ©die explique le destin funeste du hĂ©ros ou de l'hĂ©roĂŻne tragique par leur ascendance ils sont condamnĂ©s Ă  expier malgrĂ© eux des crimes commis par leurs ancĂȘtres, comme PhĂšdre encore, protagoniste des piĂšces de SĂ©nĂšque et de fratricidesSujet Ă  la fois mythologique Romulus et RĂ©mus et biblique CaĂŻn et Abel, la lutte entre deux frĂšres a souvent Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©e sur scĂšne. Le combat entre ÉtĂ©ocle et Polynice, les fils d'ƒdipe, a par exemple inspirĂ© Eschyle Les Sept contre ThĂšbes d'Eschyle et Racine La ThĂ©baĂŻde. C'est encore ce thĂšme qui intĂ©resse Racine dans sa tragĂ©die Britannicus qui met en scĂšne l'assassinat de Britannicus par son frĂšre et familleLa comĂ©die est elle aussi fondĂ©e sur des histoires de famille mais, par dĂ©finition, plus lĂ©gĂšre. Le mariage en est la grande affaire et il s'agit pour le hĂ©ros ou l'hĂ©roĂŻne d'Ă©chapper Ă  un mariage d'affaires conclu par son pĂšre ou sa mĂšre afin d'Ă©pouser l'Ă©lue de son cƓur et fonder sa propre famille. La comĂ©die se plaĂźt alors Ă  croquer les membres de la famille en types » souvent hĂ©ritĂ©s de la commedia dell'arte la grand-mĂšre parangon de morale chrĂ©tienne, le pĂšre avare ou hypocondriaque, la belle-mĂšre vĂ©nale, la jeune fille innocente, le fils naĂŻf, etc. On retrouve ces personnages dans diffĂ©rentes piĂšces de MoliĂšre comme L'École des femmes, Tartuffe, Le MĂ©decin malgrĂ© lui, Le Malade imaginaire, etc. Dans la comĂ©die comme dans la tragĂ©die, le hĂ©ros ou l'hĂ©roĂŻne tentent d'Ă©chapper Ă  l'emprise sƓurs, cinq sƓursDans le théùtre du xxe siĂšcle, le personnage de la sƓur reprĂ©sente souvent le type de la femme qui n'a pas rĂ©ussi Ă  vivre sa vie, dĂ©chirĂ©e entre aspirations personnelles et fidĂ©litĂ© Ă  l'ordre familial dont elle finit par rester prisonniĂšre. Plusieurs auteurs se sont plu Ă  mettre en scĂšne des fratries uniquement composĂ©es de sƓurs qui attendent indĂ©finiment dans leur maison que quelque chose arrive, comme Tchekhov avec Les Trois SƓurs, GarcĂ­a Lorca avec La Maison de Bernarda Alba et Lagarce avec J'Ă©tais dans ma maison et j'attendais que la pluie pour l'oral– Juste la fin du monde de Xavier Dolan, 2016L'adaptation de la piĂšce de Lagarce par Xavier Dolan peut bien Ă©videmment ĂȘtre Ă©voquĂ©e lors de l'oral. Il sera alors important d'en mentionner les spĂ©cificitĂ©s et de montrer dans quelle mesure on peut la considĂ©rer comme un prolongement du texte. Pour cela, prĂ©voir une comparaison entre une captation de la piĂšce et la version qu'en propose le choix divergents ont Ă©tĂ© faits par rapport Ă  la piĂšce le texte est lĂ©gĂšrement remaniĂ©, il n'y a pas d'Ă©pilogue. De la mĂȘme maniĂšre, l'ajout de flash-back permet quelques Ă©chappĂ©es hors du prĂ©sent, ainsi que la matĂ©rialisation Ă  l'image de souvenirs d'un temps perdu pour Louis, lors de sĂ©quences trĂšs lyriques. Le langage cinĂ©matographique pourra lui aussi faire l'objet de certaines remarques. Xavier Dolan, par l'usage d'objectifs Ă  longues focales, fait le point sur des visages et isole le reste du dĂ©cor, voire des autres personnages Ă  proximitĂ©, qui resteront flous. Cela crĂ©e un effet Ă©touffant qui permet de souligner l'incommunicabilitĂ© entre les ĂȘtres, qui ne partagent que rarement la mĂȘme zone de nettetĂ©. C'est aussi une façon de rendre invisible le lieu oĂč se dĂ©roule l'action la mention Quelque part, il y a quelque temps dĂ©jĂ  » ouvre le film, pour faire de cette famille un groupe universel, qui renvoie Ă  des thĂ©matiques explorĂ©es depuis l'AntiquitĂ© et l'invention de la la question de la tonalitĂ© est cruciale dans le film. FidĂšle Ă  son cinĂ©ma voir Ă  ce titre le trĂšs Ă©mouvant Mommy, sorti en 2014, traitant de la relation complexe d'un adolescent atteint de troubles du comportement avec sa mĂšre et une voisine, Xavier Dolan explore tous les ressorts du lyrisme et du registre pathĂ©tique. ConfinĂ©s dans un espace exigu qui exacerbe les passions, les membres de la famille s'affrontent, crient, pleurent, se dĂ©chirent, permettant aux comĂ©diens des performances extrĂȘmes, mais s'Ă©loignant assez de la sobriĂ©tĂ© et de l'intimitĂ© construites par Lagarce. Cette diffĂ©rence sera Ă  prĂ©senter pour attester d'une bonne connaissance du texte original, et des spĂ©cificitĂ©s de l'adaptation cinĂ©matographique.– La vie est belle de Frank Capra, 1946La question de la crise personnelle est donc ici Ă©vidente c'est celle d'un homme arrivĂ© au bout de tout espoir et ne trouvant plus de solution Ă  sa situation. À la diffĂ©rence de bien des exemples proposĂ©s, le motif est ici exclusivement Ă©conomique si George souhaite en finir, c'est parce qu'un de ses employĂ©s a Ă©garĂ© une importante somme d'argent, et que tout le projet qu'il avait mis en place pour permettre aux plus dĂ©shĂ©ritĂ©s d'accĂ©der Ă  un logement est sur le point de s'effondrer. George est une sorte de saint, un homme moral, intĂšgre et dĂ©bordant d'initiative comme on en voit beaucoup dans le cinĂ©ma de Capra, et souvent incarnĂ© par le mĂȘme comĂ©dien, James Stewart. Il est dĂ©vouĂ© Ă  sa communautĂ© et sa famille, mais assailli par la figure du mal, Mr Potter, qui reprĂ©sente tout ce que le capitalisme peut avoir de violent et d'indiffĂ©rent. La crise familiale est trĂšs courte dans un film qui s'attache surtout Ă  montrer la maniĂšre dont la cellule s'est construite dans une certaine prĂ©caritĂ©, mais avec un amour et une rage de vivre lumineuse. Peu avant sa tentative de suicide, George, accablĂ© par la perte de l'argent, rentre chez lui, dans une demeure en pleins prĂ©paratifs de la veille de NoĂ«l, et passe sa frustration sur ses proches son Ă©pouse et ses enfants qui ignorent tout de ses problĂšmes. Une scĂšne terrible qui dissĂšque en quelques minutes les origines du mal en ce qui concerne l'Ă©quilibre d'une famille, et la maniĂšre dont les contrariĂ©tĂ©s liĂ©es Ă  un domaine extĂ©rieur ici, professionnel et Ă©conomique peuvent avoir des consĂ©quences collatĂ©rales sur d'autres individus, gĂ©nĂ©ralement fragiles et innocents. Le dĂ©nouement de ce film prĂ©sentĂ© comme un conte, puisque les anges y interviennent, tend donc Ă  souligner l'indispensable valeur qu'est la cellule familiale et, d'une maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, le dĂ©vouement de l'individu Ă  la collectivitĂ©. L'ange venu aider George rĂ©pond Ă  son dĂ©sir de n'avoir jamais existĂ© et lui prĂ©sente un monde qui n'aurait pas pu bĂ©nĂ©ficier de sa prĂ©sence, pour lui rĂ©vĂ©ler Ă  quel point son apport a Ă©tĂ© indispensable aux autres. La crise personnelle se rĂ©sout par la prise de conscience de sa valeur au regard des autres sa famille, et sa communautĂ©, avant le grand chant collectif de NoĂ«l en guise de rĂ©fĂ©rences sur la famille au cinĂ©ma– Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda, 2018Portrait d'une famille pauvre dans le Japon contemporain, qui, en dĂ©pit de ses larcins comme le vol Ă  l'Ă©talage, parvient Ă  construire bonheur et solidaritĂ© dans l'adversitĂ©. Palme d'or Ă  Cannes en 2018.– La Famille Tenenbaum de Wes Anderson, 2001Portrait atypique, insolite et poĂ©tique d'une famille dans laquelle la mĂšre Ă©lĂšve ses enfants pour en faire des gĂ©nies de la finance, du théùtre et du tennis. Cette comĂ©die porte tout le charme de l'esthĂ©tique unique de son rĂ©alisateur.– Un dimanche Ă  la campagne de Bertrand Tavernier, 1984Autre variation sur un dimanche de rĂ©union de famille, celle-ci se situant en 1912. Deux enfants dĂ©jĂ  adultes viennent rendre visite Ă  leur pĂšre, qu'ils n'Ă©coutent plus vraiment, alors que celui-ci est sur le point de mourir.

juste la fin du monde antoine analyse